20.1.14

Tester l’équilibre sur la Wii®, est-ce fiable ?

   Au sein de nos pratiques respectives, les activités écrans (logiciels ludiques ou non) semblent être intégrés de plus en plus dans les structures de réadaptation. Dans le cas d’exercices ou de bilans d’équilibre sur plateforme, quelle est la pertinence des résultats obtenus ? Qu’en pense la littérature scientifique ? Dans une optique d’objectivation des performances, est-ce que les tests utilisés sont reproductibles ? Est-ce qu’une seule session de test permet d’avoir les capacités réelles du sujet ? Ces questions de reproductibilité ont été soumises à ces nouvelles technologies qui investissent nos pratiques professionnelles : Le GERAR se penche donc sur le cas de la Nintendo® Wii-Fit®, et particulièrement sur sa plateforme d’équilibre la « balance board » car c’est souvent d’elle qu’il est question dans la littérature [1-3].

   Les auteurs soulignent [1-3] l’intérêt des tests d’équilibre statique sur plateforme de force afin de mesurer le centre de pression (CP) pour les patients. Ces tests permettent de suivre les suites de chirurgie en terme d’appui plantaire, ou tout simplement de donner des indices de prédiction des chutes chez les personnes âgées. Cependant ces tests sont couteux car ils nécessitent du matériel haut de gamme, de ce fait certains chercheurs utilisent le plus souvent le Berg balance scale, questionnaire subjectif sur l’état d’équilibre du sujet. La Wii balance board (WBB) de Nintendo® semble être, pour l’équipe de Clark [1], un outil intéressant pour les cliniciens car peu couteux et mobile. Suivant cette logique, ils décident de comparer les résultats obtenus entre une WBB et une plateforme de force (PF) de laboratoire. 30 sujets sains de toute pathologie ostéoarticulaire et neurologique ont passé un test en unipodal yeux fermés, puis yeux ouverts sur 10 secondes de maintien, un test en bipodal pieds joints yeux fermés et pieds écartés et yeux ouverts sur 30 secondes de maintien. Ces 4 tests étaient randomisés pour chaque sujet sur la PF et sur la WBB et réalisé en test re-test entre 24h et 2 semaines. Le trajet du centre de pression a été pris en considération pour le traitement statistique. L’intraclass correlation coefficient (ICC) et le test de Bland et Altman ont été utilisés pour quantifier respectivement la reproductibilité des tests et re-tests et la validité de la WBB comparé à la PF.

   Résultats : Il semblerait que la WBB possède une analyse suffisamment fine, la rendant aussi efficace dans la mesure du trajet du CP comparé à une PF. Les données de la WBB possèdent également un ICC correct, supérieur à 0,80, pour 3 des 4 tests d’équilibre. De plus, la WBB semble être moins précise concernant l’évolution du trajet du CP. Concrètement il faut que le trajet du CP soit modifié à plus de 27% en moyenne pour détecter un changement, alors que ce changement minimum détectable est en moyenne de 22% pour la PF de cette étude.

    De son côté, Wikstrom en 2012 [2] veut déterminer la reproductibilité des scores proposés par la Wii-Fit® sans le logiciel d’interface utilisé par l’équipe de Clark 2 ans auparavant. Pour cela, ils testent 12 tests et exercices en dynamiques ou en statiques sur la Wii-Fit chez une population hétérogène. Il utilise le référentiel de mesure de la Nintendo, et en fonction des exercices, celui-ci se calcule en pourcentage, en points ou en nombre de cible atteinte. Selon la même logique de test et de re-test à une semaine d’intervalle, Wikstrom utilise le coefficient de corrélation intraclasse ainsi que le changement minimum détéctable (Minimal detectable change). Il calcule un ICC moyen de 0,59 (min 0,39 ; max 0,8) avec un changement minimum détectable moyen de 15,2 (min 1,4 ; max 40,5) en moyenne pour les 12 exercices proposés au patient. Conclusion de l’auteur : La WBB de Nintendo possède une fiabilité très faible et donc une validité à revoir concernant la reproductibilité des tests physiques. Ci-dessous, d'après l'étude de Wikstrom [2], le tableau reproduisant les valeurs d'ICC, de Standard error of measurement (SEM) et de changement minimum détectable.





Avis du GERAR :
   L’intégration de cette nouvelle technologie au sein de nos répertoires d’exercices se base sur son côté ludique ou sur sa pertinence scientifique ? Selon les recommandations de ces études, c’est plutôt la simplicité d’utilisation et son aspect ludique qui ressort. C’est d’ailleurs les premiers retours des patients lorsque qu’ils participent à des sessions sur la Wii-Fit. Est-ce la même chose de votre côté ?

   Pour ceux qui se posent la question des conflits d’intérêts, les auteurs de ces études n’en possèdent pas. Ceci dit, les études utilisant la Wii-Fit comme thérapeutique dans des études comparatives en possèdent surement.

   Clark et al. récupèrent et utilisent le signal envoyé par la Nintendo afin de traiter de manière plus précise la trajectoire du CP en fonction des exercices. D’après leur protocole, la plateforme de Nintendo, la Wii-Fit semble être aussi précise qu’une plateforme de stabilométrie. Young and coll [3] dans la même année, approuve le système utilisé par l’équipe de Clark [1]. Pour ces auteurs, il suffirait de maîtriser le logiciel Virtools pour capter le signal envoyé par la console… pas une partie de plaisir. Si c’est le cas, vous pourrez à volonté créer des nouveaux exercices d’équilibre.
   C’est bien. Mais est-ce que nous savons « pirater » le réseau Nintendo pour récupérer les données brutes ? Et avons-nous le temps de créer des exercices ? Et concrètement, est-ce que ce « travail réel » est codifiable via le PMSI ? D’autant plus que certaines entreprises rendent accessible l’analyse des appuis plantaires et leur traitement via leur propre logiciel et plateforme. Certes le coût est plus élevé pour ce type de matériel, mais le suivi de l’évolution de vos patients et/ou usagers n’en sera que plus efficient.

   Ces études n’observent pas l’impact d’un travail sur la Wii, mais plutôt la pertinence des résultats obtenus. Celle-ci est remise en question par l’étude de Wikstrom [2]. Clark et Young [1,3] utilisent seulement la WBB comme une plateforme ordinaire sans utiliser les jeux wii-Fit. Peu d’intérêt pour les professionnels de terrain, car il y aurait trop de manipulations informatiques. Au final, la Wii de Nintendo ne fournit pas des indices d’évolution fiables lors d’un suivi de prise en charge. Difficile de dire à vos collègues lors des staffs hebdomadaires, que madame X à gagner 5 étoiles de plus par rapport à son entrée, et qu’elle n’est pas loin de dépasser le niveau de Mario. Et vous savez à quel point il est difficile de gagner ces fameuses étoiles…

   Concernant les protocoles des études précédentes [1-2], réaliser des re-tests à plus d’une semaine, c’est oublier le caractère évolutif parfois rapide d’une affection ou d’une pathologie touchant l’équilibre du patient. Sur le terrain, le but est de passer un patient rapidement pour être disponible pour d’autres prises en charge. Donc, 5 à 10 minutes peuvent être des temps de test re-test intéressant. A vérifier si ce temps est souvent utilisé avec la lecture d’autres publications sur cette même thématique mais portant sur des sujets porteurs de pathologies..

   Suite à ces articles, se pose la question de la reproductibilité des données auprès de différentes catégories de patients sur les plateformes de stabilométrie. A approfondir.

   C’est la première fois que nous lisons un article qui parle du changement minimum détectable. C’est pourtant est une donnée importante à connaitre, elle semble être dépendante de l’effet apprentissage de la tâche à exécuter. Plus cette tâche est inconnue au patient, plus sa capacité d’apprentissage sera importante. C’est l’exemple typique de la courbe d’apprentissage. Un sujet, pour une tâche bien précise, apprend très vite au début puis à tendance à stagner. De ce fait, d’un essai à un autre il peut y avoir d’énormes changements. Le changement minimum détectable est calculé en fonction du SEM. Celui-ci est plus parlant que l’ICC pour les thérapeutes sur le terrain [4]. Un article du GERAR tentera d’éclaircir cette nouvelle donnée. Cependant, si vous en savez plus, libre à vous de partager vos connaissances en rédigeant un article pour le GERAR. L’espace des commentaires vous est également ouvert.

MV.

Bibliographie:
[1] Clark RA, Bryant AL, Pua Y, McCrory P, Bennell K, Hunt M. Validity and reliability of the Nintendo Wii Balance Board for assessment of standing balance. Gait Posture. 2010;31(3):307–310. Accès restreint  [2] Wikstrom EA. Validity and Reliability of Nintendo Wii Fit Balance Scores. Journal of Athletic Training 2012;47(3):306–313. Accès libre.  [3] Young W, et al. Assessing and training standing balance in older adults: A novel approach using the ‘Nintendo Wii’ Balance Board. Gait Posture (2010), doi:10.1016/j.gaitpost.2010.10.089 Accès restreint[4] Donoghue  D. [4] Donoghue  D. How much change is true change? The minimum detectable change of the Berg Balance Scale in elderly peopleJ Rehabil Med 2009. J Rehabil Med 2009. Doi. 10.2340/16501977-0337 Accès libre.

2 commentaires:

  1. Une traduction serait la bienvenue...merci ;-)

    http://www.jneuroengrehab.com/content/9/1/28

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  2. 1. La GERAR ne traduit pas, our celà il faut aller se balader du côté de PEDro
    2. Nous vous proposons de faire un résumé selon la méthode GERAR et de le publier sur le GERAR ;-)
    Bien à vous Anonyme (la prochaine fois, un nom prénom, c'est plus respectueux !)

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