9.12.13

La Validité des études cliniques : une vaste opération !


    Forestier R., Françon A. et Graber-Duvernay B.[1] ont publié une analyse de la littérature au sujet des critères de validité d’un essai thérapeutique et l’impact en Evidence Based of Medecine. Ces auteurs centrent leur analyse sur l’utilisation des grilles de lectures quantitatives (GLQ). Si elles restent encore incontestables, leurs démarches scientifiques reste encore à démontrer quant à leur rigueur. De plus, il serait tentant de faire l’amalgame entre la valeur des essais thérapeutiques et la valeur de la thérapeutique elle-même. Le but de cet article est donc de déterminer les domaines de la validité d’un essai thérapeutique faisant l’objet d’évaluations possibles. Les auteurs ont l’ambition également de créer une aide pour élaborer des grilles de lecture prenant en compte les contraintes spécifiques aux essais cliniques non-médicamenteux.


La revue de littérature débute par la sélection d’articles à partir de Medline avec une liste de mots clés définie au préalable. Les auteurs ont alors retenu les articles dans deux cas : quand le test statistique était rapporté pour mesurer l’influence du biais et quand l’influence du biais lui-même sur le résultat était calculée. Ensuite leur recherche se poursuivait par la fonction « related articles » pour s’achever après un certain nombre d’itérations. Les résultats de cette revue sont alors très instructifs sur l’évaluation d’un traitement. La qualité globale des essais selon cinq méta-analyses serait surestimé pour 1/5ème   des effet des traitement et sous-estimé pour 2/5ème.

Au sujet du consentement éclairé, il a été observé que le recueil, avant un essai randomisé, diminuait la différence entre le placebo et le produit actif [2]. Le non-consentement représente un biais de validité externe (voulant dire au delà du champ d’experimentation) de l’étude mais reste encore à mesurer.

Concernant les populations étudiées, l’exclusion d’une part importante des patients dans une étude conduit à des populations non-représentatives, d’autant plus que cette représentativité est rapportée de façon trop inconstante [3]. D’autre part, il n’est écrit que très rarement le nombre de patient enrôlés sur la totalité éligible. Une méta-analyse sur 172 essais cliniques fait état d’un ratio nombre de patients examinés sur nombre enrôlés de 1,8 à 68[4]. Il semblerait également que certains critères d’inclusion et d’exclusion conduisent à sélectionner une population de « répondeurs » : autrement dit ces derniers auraient une réponse supérieure au reste de la population. D’un point de vue statistique, les multiplications des analyses en sous-groupes augmentent la probabilité de trouver un résultat statistiquement significatif. Si vous voulez simplifier votre apprentissage en biostatistique, le GERAR vous propose de cliquer ici.

Un autre paramètre étudié dans la validité concerne le type de comparaison mis en place dans les essais. Comparé à un placebo, il a été mis en évidence que dans les études double insu, le consentement éclairé diminuait la validité externe de l’étude [5]. Ensuite, beaucoup d’essais avantageraient les traitements les plus récents par rapport aux plus anciens.
A noter que l’insu du thérapeute et son influence n’a jamais était étudié ou tout du moins aucune étude ne fait état de ce paramètre. Dans le même registre, aucun travail n’a été retrouvé sur l’influence des évaluateurs sur le résultat de l’étude.



Une autre donnée indispensable  : le conflit d’intérêt. Dans une enquête américaine auprès des auteurs, 87 % des chercheurs avaient une interaction avec l’industrie pharmaceutique et 100 % pour les seuls auteurs de recommandations pour la pratique clinique [7]. A noter également le faible taux de réponse de ces auteurs : 37% qui laisse sous-entendre une éthique professionnelle vacillante… A la lecture de la partie discussion, les auteurs rapportent les travaux de comparaison de différentes grilles quantitatives sur différentes thématiques comme la validité de l’exercice physique dans la lombalgie chronique. La conclusion des revues systématiques varie suivant qu’on utilise un score de qualité ou un autre pour leur reproductibilité et la supériorité de l’exercice physique par rapport aux traitements habituels [8]
Enfin pour l’évaluation pharmacologique versus l’évaluation non-pharmacologique, si la différence était en faveur des essais médicamenteux, elle résulte de l’absence dutilisation de comparaison à un placebo ou d’autres patients [9]. En termes de sensibilité et de spécificité, rien n’a été encore développé avec précision laissant à penser que ces GLQ ne prennent pas en compte le type de traitement évalué et la variabilité que cela sous-entend.

Avis du GERAR: Pour tous les soignants désireux de se lancer dans la recherche clinique, cet article présente bien les pièges et les biais à éviter concernant la rédaction d’une étude et en amont l’élaboration du protocole.
La méthodologie d’analyse des articles est succincte mais reste explicite avec effort de transparence de par la chronicité relatée. Sur leur propre article, les auteurs discutent leur méthode qui, comme l’image du serpent qui se mord la queue, est entachée de subjectivité du fait de la non utilisation de grille de lecture afin de pouvoir les critiquer.
Il ressort des résultats 3-4 champs d’analyse de validité des articles mais parfois cela manque lisibilité.  Ces données font penser à un amoncellement de données d’articles comme par exemple le paragraphe sur la randomisation qui est peu clair mais mérite un approfondissement.
L’effet placebo déjà étudié par le GERAR montre encore l’étendue de ses capacités encore trop méconnues. Il prend comme exemple en chirurgie : l’insu a permis de constater que l’arthoscopie versus une pseudo-intervention n’était pas supérieure dans l’arthrose du genou !
La question de la validité scientifique par le groupe contrôle placebo et par la pratique de l’insu représente encore un gold-standard en médecine. Un autre champ d’investigation qui pourrait compléter nos connaissances fondamentales serait l’évolution naturelle des patients de certains mécanismes physiologiques. C’est-à-dire en d’autres termes de considérer des groupes de population étudiés qui ne relèverai pas de la prise en charge thérapeutique car non-recensé par le corps soignant mais qui présenterait bien la pathologie étudiée. Par exemple combien d’entorses de chevilles sont traitées médicalement parmi leur totalité existante ou bien combien de personnes vont se faire soigner d’une angine chez leur médecin traitant. Il y a là un manque de visibilité la « pathologie naturelle » que la médecine n’arrive pas encore à apprécier. L’analyse sur le recrutement des « répondeurs » abonde dans ce sens puisqu’il parait évident que ces pratiques d’inclusion et d’exclusion peuvent favoriser une confirmation de l’hypothèse de l’étude.
Et le thérapeute dans tout ça, trop peu d’articles d’après les auteurs évaluent l’influence de ces acteurs. A croire quelque part que l’intégrité de nos compétences fasse de nous des robots sans sensibilité propre. Nous sommes fort heureusement des humains avec une variabilité d’action qui influence par essence notre façon singulière  de soigner Prenons par exemple, un massage Quel chercheur peut trouver deux kinésithérapeutes qui produisent le même effet thérapeutique alors qu’ils ont la même technologie de base. ? Autre exemple, l’instruction de consignes d’exercices sous-entendant la participation active du patient, évaluer l’intelligibilité des propos, la compréhension du patient et l’application des consignes sont des paramètres bien trop souvent occultés alors qu’ils paraissent essentiel dans la réalisation du soin. A l’article de conclure que « nous sommes encore dans la caverne de Platon » [1] et le GERAR ne peut que leur donner raison…

Alors comment conclure avec un message d’espoir si ce n’est en rapportant que les conclusions des études scientifiques publiées seraient pour 76% d’entre elles douteuses ou invalides selon Gotzche [6, 1989]. Peut-être que la validité de nos travaux ne passe pas forcément par l’absolution de nos pairs comme c’est très souvent le cas en rédaction médicale ? Et si modeste GERAR que nous sommes pensons comme une évidence que la pluridisciplinarité d’état (et non de principe) mise au service d’une transparence objectiverait nos travaux scientifiques. Pour que la validité ne soit pas la positivité des essais  Trop peu d’études négatives publiéesdixit un expert comme Maisonneuve H. et pour que l’hypothèse posée trouve systématiquement une réponse, voilà le positionnement éthique d’une étude clinique pourrait avoir.

NS.

[1] Forestier R., Françon A., Graber-Duvernay B. Les paramètres de validité d’un essai thérapeutique et leur influence sur l’élaboration d’une médecine fondée sur les preuves : revue de littérature. Ann Réa Méd Phys. 2005. 48. 250-8 

Les références suivantes sont tirées de la lecture de l’article de Forestier et vous incite à approfondir votre critique en accédant à leur lecture.

[2] Klejinen J., de Craen AJM., Van Everdingen J.,Krol L. Placebo effects in double blind clinical trial : a review of interaction with medications. Lancet 1994:344;1347-9 
[3] Glasgow RE., Bull SS., Gillette C., Klesges LM.,Dzewatowski DA. Behaviour change intervention research in healthcare settings. A review of recent report with emphasis on external validity. Am J Prev Med 2002:23;(1):62-9 
[4] Gross CP., MMallory R., Heiat A., Krumholtz HM. Reporting the recruitment process in clinical trial : who are this patient and how did they get there ? Ann Inten Med. 2002;137:10-6
[5] Kirsch I., Rosadino MJ. Do double blind studies with informed consent yiel externaly validity result ? An empirical test. Psychopharmacology(Berl) 1993;110(4):437-42
[6] Gotzche P. Methodology and overt and hidden bias in report of 196 double blind trial of non-streroidal and anti-inflamatory durgs in rheumatoid arthritis. Control Clin Trial 1989;10:31-56
[7] Choudhry NK., Stelfox HT., Detsky AS. Relationship between author of clinical practice guidelines and the pharmaceutical industry. JAMA 2002;287(5):612-7
[8] Hill CL., La Valley MP., Felsoa DT. Secular changes in the quality of published randomized clinical trial in rheumatology. Arthrisis Rheum 2002;46(3):779-84
[9] Boutroa I., Tubach F., Giraudeau B., Ravand P. Methodology difference in clinical trial evaluating nonpharmacological and pharmacological treatment of hip and knee osteoarthrisis. JAMA 2003;290(8):1062-70

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