21.2.13

Les traitements conservateurs après rupture du ligament croisé antérieur.



   Cette année pour les 30èmes journées de traumatologie du sport de la Pitié Salpêtrière, les présentations qui ont le plus intéressées les membres du GERAR ont été les débats concernant les traitements conservateurs après rupture du LCA. Baudot C. de la clinique du sport de Bordeaux et Delincé P. du service de chirurgie orthopédique et de traumatologie du CHU Saint Pierre à Bruxelles, nous ont décrit les stratégies et traitements conservateurs après rupture du LCA.

   Les articles correspondant aux présentations lors de cette journée se retrouvent dans l’ouvrage [1] à gauche de ce paragraphe.

Lésion du LCA du genou : traitement conservateur ou chirurgical. [2,3] 
   Les mentalités ont évolué depuis 1970 car, avant une rupture du LCA était considérée comme un accident traumatique grave avec des complications importantes et un retour sur le terrain sportif plus qu’incertain. De plus, la reconstruction du LCA était suggérée afin d’éviter les lésions méniscales et/ou réduire l’évolution gonarthrosique du genou traumatique. La présentation de Delincé P tente de démêler le vrai du faux concernant ces recommandations. Cette présentation s’appuie sur l’article de ces 2 auteurs paru en 2012 dans la revue Knee Surgery, Sports Traumatology, Arthroscopy

   Il faut savoir qu’aucune étude ne décrit l’évolution du genou après une rupture du LCA, la littérature scientifique ne décrit pas l’état de détérioration du genou ni le risque que le patient possède d’avoir une articulation moins fonctionnelle. Il n’existe pas non plus de papiers sur les critères à prendre en compte pour choisir le traitement thérapeutique approprié après rupture du LCA.
   L’analyse des radiographies ne renseigne pas réellement sur des clichés concernant le genou anormal car les populations incluses sont toujours différentes, de ce fait les biais de sélection sont importants : âge des sujets, types de traumatisme, délai entre le trauma et l’inclusion dans l’étude, etc. De par les clichés radiographiques, l’arthrose se définit selon des indices précis intégrant différents stades, et notamment pour le genou les stades de Ahlbäck ou de Kellgren et Lawrence. Les indices pris en compte pour ces différents stades sont l’espace de l’interligne articulaire du genou et/ou l’aplatissement des condyles et/ou la présence d’ostéophytes sur les bords de l’articulation. Selon certains, la présence de signes arthrosiques varient entre 10 et 70% après 5 à 15 d’une plastie du LCA.

La reconstruction du LCA évite-t-elle une arthrose précoce ?
   La littérature ne propose pas d’études qui soulignent de manière rigoureuse une augmentation de l’arthrose après un traitement orthopédique, ni une réduction des phénomènes  arthrosiques au niveau du genou après un traitement chirurgical. Le contraire est même retrouvé malgré des biais de sélection évident, mais pour cette étude le traitement chirurgical augmente les signes radiographiques d’arthrose précoce mais les sujets reprenaient leur activité sportive plus tôt contrairement au groupe sans traitement chirurgical. Quel recul sur le temps de suivi des sujets avec rupture.


Le retour au sport ne peut se faire qu’après plastie du LCA ?
   Il semblerait que la reprise d’activité sportive dépend du niveau antérieur du sportif, de la longueur de suivi par les thérapeutes et de la période à laquelle le sujet a été opéré. Cependant, le profil psychologique semble être de plus en plus un aspect important dans la reprise ou non du sport, avec cette notion d’une reprise au même niveau ou à un niveau inférieur. Malgré les évolutions des techniques chirurgicales concernant les plasties du LCA, la proportion de patients qui retrouvent un niveau physique suffisant pour reprendre le sport semble être le même après plastie du LCA ou après traitement conservateur.

   La survenue d’une gonarthrose est dépendante du type de traumatisme qui peut toucher les ménisques, mais également la capsule et le cartilage. De ce fait la réception d’un saut sera plus traumatisante qu’un mouvement de torsion au niveau du genou en suspension. Il semblerait également pour le patient qu’une masse corporelle importante et un âge avancé au moment de l’accident soient des facteurs favorisant l’apparition d’arthrose. De plus, et corroborant les remarques précédentes, les sports portés possèdent une incidence importante sur l’apparition d’une gonarthrose ou coxarthrose, ce facteur de risque est d’autant plus important que le sujet possède un IMC important et un niveau de pratique important.

Le délai entre le traumatisme et la plastie du LCA est-il important à prendre en compte ?
   OUI : certains auteurs suggèrent que plus le temps est long entre le traumatisme et l’opération chirurgicale, plus les risques de lésions associées augmentent.
   NON : d’autres chercheurs énoncent que ce n’est pas une variable importante car rien ne prouve que la chirurgie diminue l’incidence de lésions secondaires. Il n’existe pas non plus de différence entre une chirurgie réalisée à moins de 3 semaines par rapport à une chirurgie faite à plus de 6 semaines post-traumatisme concernant l’apparition de lésions associées.

Les ménisques sont-ils préservés après reconstruction chirurgicale du LCA ?
   Il s’avère que le risque de se faire opérer des ménisques est moins important chez des sujets ayant subi une plastie du LCA que ceux qui ne se sont pas fait opérer. Même si cette remarque est tirée d’une étude rétrospective qui ne s’intéresse pas à la latéralité de l’opération méniscale. Même si aucun argument ne recommande une reconstruction chirurgicale du LCA afin de prévenir une nouvelle lésion méniscale et une évolution vers une arthrose précoce.

Quels sont les critères pour choisir un traitement conservateur ou un traitement chirurgical ?
   L’opération est recommandée lors de laxité articulaire importante. Cette laxité n’est pourtant pas corrélée au degré d’instabilité du genou que ressentent les patients. Il s’avère néanmoins que le traitement chirurgical possède de mauvais résultats si le patient possède un IMC supérieur à 30 et s’il fume. Au jour d’aujourd’hui, le traitement conservateur ne possède pas de différence avec le traitement chirurgical concernant la reprise des activités sportives, la récupération de la force musculaire et le niveau fonctionnel. La problématique se retrouve donc dans la structuration de la rééducation et donc des prises en charge réalisées par les thérapeutes.

   Les auteurs concluent que rien ne prouve la réduction de l’incidence arthrosique post-traumatique, ni la reprise de l’activité sportive après reconstruction du LCA. Il est donc nécessaire d’informer le patient sur les différents moyens de reprendre leur activité sportive et à défaut leur activité de la vie quotidienne après rupture du LCA. Pour se faire, les professionnels entourant le patient doivent tester les capacités musculaires, proprioceptives du genou et questionner le patient sur ses objectifs à long terme.


Traitement orthopédique de la rupture du LCA. [4]


   L’objectif du traitement orthopédique est de favoriser la cicatrisation du ligament. Celle-ci est reconnue depuis 1996. Celle-ci nécessite la plupart du temps une immobilisation de l’articulation avec orthèse. Le type d’orthèse, le temps de maintien ainsi que les degrés de liberté ne font pas encore l’objet d’un consensus clair au niveau international. Néanmoins, la rééducation tient une place prépondérante dans le traitement conservateur ou traitement fonctionnel de la rupture du LCA

   Tramond and coll. [5], via leur étude, soulignent que 1/3 des patients après traitement orthopédique ne reprennent pas la pratique sportive à leur niveau d’activité physique avant le traumatisme. La présence d’un pivot shift au niveau du genou est un signe péjoratif dans la reprise sportive. Le temps de port de l’orthèse d’extension semble également être un facteur influençant cette reprise sportive, plus celui-ci est long, plus il semble être délétère pour un retour à l’activité physique. Cependant, faute de recul suffisant (21 mois), les auteurs ne peuvent conclure sur le devenir à long terme.

   Baudot C and coll. [6] trois ans plus tard, présentent des résultats plus mitigés. Cette étude comporte environ 300 sujets traités orthopédiquement, dans lesquels seuls 50 sujets ont vu une cicatrisation du LCA rompu selon 2 modalités. Après le port d’une orthèse fonctionnelle, chez 78% des patients, les fibres du LCA ont cicatrisé parallèlement  à la ligne de Blumensaat et seulement 22% de cicatrisation du LCA s’est faite de manière pédiculisée sur le LCP. 17 mois après en moyenne, plus de la moitié des patients ont eu un épisode d’instabilité et chez les patients possédant un niveau sportif important (compétiteurs professionnels ou semi-professionnels) plus de 75% de récidive. Pour les patients pratiquant un sport de façon occasionnel, seulement 7% de cas d’épisodes d’instabilité. De ce fait, le faible niveau de pratique sportive semble pronostiquer de bons résultats pour une cicatrisation dirigée du LCA.

   Baudot décrit alors un organigramme décisionnel prenant en compte plusieurs paramètres et notamment la dichotomie qu’il existe entre les COPERS et les NON COPERS. Terme qui désigne les patients qui réagissent correctement à l’accident traumatique et/ou à l’opération chirurgicale et ceux qui réagissent mal. Les NON COPERS quant à eux possèdent une baisse de la co-contraction ischios-jambiers/quadriceps et des déficits d’amplitudes moins importantes par rapport aux COPERS.


Avis du GERAR :
   La présentation de Delincé P. casse le mythe qu’une rupture du LCA provoque systématiquement une arthrose du genou précoce. Voici un argument de moins pour les chirurgiens peu scrupuleux qui profitent de l’ignorance de certains patients pour les inciter à choisir la stratégie chirurgicale.

   L’arthrose une atteinte cartilagineuse insidieuse et qui met du temps à s’installer, les prochaines études devront comporter des cohortes de sujets plus grandes avec un suivi plus long du type 10 ans, 20 ans afin d’observer une atteinte arthrosique réelle et non pas seulement des signes précoces.

   Enfin, concernant la période entre la trauma et la chirurgie, est-ce au chirurgien de décider seul ? Les objectifs du patient doivent donc être pris en compte, son niveau de pratique physique, son emploi et biensûr le type d’entorse avec notamment et  on l’a vu, un regard tout particulier sur les données anthropométrique du sujet.

   De plus, la réhabilitation après rupture du LCA semble être une bonne thérapeutique pour récupérer fonctionnellement. La reprise du sport quant à elle semble dépendante du niveau du patient et de certaines données anthropométriques.
La question qui reste en suspens est : doit-on toujours se faire opérer après une période de réhabilitation post rupture du LCA ? Si oui, cette opération est alors conseillée dans une reprise sportive de compétition. Mais si le patient est sédentaire et possède une pratique se limitant à des rencontres sportives au sein de son entreprise, la réponse est beaucoup moins évidente. D’après ces présentations, les épisodes d’instabilités peuvent renseigner sur l’intérêt d’une opération ou non.
Les questionnaires d’activités physiques sont alors des outils intéressants pour tenter de connaître le niveau d’activité physique de ces sujets après rupture du LCA.

   Généralement, les suites d’une ligamentoplastie suite à une rupture du LCA s’estiment à un an post-opératoire. Il est peut être intéressant de créer une étude comparative entre un groupe de patients suivant un traitement orthopédique et/ou fonctionnel face à une groupe poursuivant un schéma de rééducation classique. Et vérifier à un an le niveau de pratique, les complications et la qualité de vie de ces sujets. Nous pourrions donc estimer si le traitement conservateur possède plus d’avantages que le traitement chirurgical.

   Il n’est pas rare de rencontrer dans nos pratiques respectives des patients qui apparaissent très débrouillards post chirurgie et ce sont souvent ces mêmes patients que nous devons freiner. A contrario, les NON COPERS sont ces patients qui ont du mal à quitter leur aides techniques, garde le plus souvent un flessum actif et/ou passif et reste plus longtemps en prise en charge en centre de rééducation et nous pensons que ces mêmes patients réalisent plus de 40 séances de rééducation en libéral. Ce ne sont certes que des suppositions, mais elles nécessitent d’être vérifiées. Ces notions s’articulent autour de valeurs quantifiables par des tests simples mais qu’en est-il du profil psychologique de patients COPERS et NON COPERS ? Il serait donc intéressant d’investiguer le profil de chaque patient avant une opération, place donc à la pluridisciplinarité et ouvrons nos œillères aux professionnels compétents : les psychologues.

   Beaucoup d’études s’intéressent aux périodes post chirurgicales, mais si ce n’était pas cela le plus important ? Et si la période pré-opératoire (si opération il y a au final) serait d’une importance supérieure à la période post réhabilitation et/ou rééducation ? Il est déjà admis que plus le patient possède un niveau fonctionnel important (force musculaire et amplitudes articulaires) moins la chirurgie possèdera un impact délétère sur ce patient. Mais dans quelle mesure ? Y a-t-il une différence entre les COPERS et les NON COPERS ? Les membres du GERAR auront surement comme objectifs de trouver des réponses dans les prochains mois.

MV.

Bibliographie :
[1] Besch S, Rodineau J. Le ligament croisé antérieur : De la rupture à l’arthrose. 30ème journée de traumatologie du sport de la Pitié Salpétrière. Elsevier Masson. 2012. 244 pagesouvrage.

[2] Delincé P, Ghafil D. Lésions du genou : traitement conservateur ou chirurgical ? In Besch S, Rodineau J. Le ligament croisé antérieur : De la rupture à l’arthrose. 30ème journée de traumatologie du sport de la Pitié Salpétrière. Elsevier Masson. 2012. 51-68. - ouvrage.

[3] Delincé P, Ghafil D. Anterior cruciate ligament tears: conservative or surgical treatment? A critical review of the literature. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc. 2012 Jan;20(1):48-61. – accès restreint.

[4] Baudot C. Traitement orthopédique de la rupture du LCA. In Besch S, Rodineau J. Le ligament croisé antérieur : De la rupture à l’arthrose. 30ème journée de traumatologie du sport de la Pitié Salpétrière. Elsevier Masson. 2012. 69-75. - ouvrage.

[5] Tramond P, Benquet B. Traitement orthopédique des ruptures du ligament croisé antérieur du genou à porpos d’une série de 62 cas. 2002. N°51 Accès libre

[6] Baudot C, Colombet P, Thoribet B, Paris G, Robinson J. Cicatrisation du ligament croisé antéro-externe, devenir fonctionnel à plus d’un an. J Traumatol Sport. 2005. 22 :141-7. Accès restreint

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